La traçabilité oui, mais quelle traçabilité ?

Tout d’abord l’origine

Le mot traçabilité est un anglicisme de « traceability » qui est composé du radical « trace » qui signifie tracer (ou suivre à la trace); et du suffixe « ability » qui traduit la notion de possibilité. C’est un terme assez récent au niveau de langue française. En effet, il n’est entré qu’en 1998 dans le Petit Robert qui le définit par la possibilité d’identifier l’origine et de reconstituer le parcours (d’un produit), depuis sa production jusqu’à sa diffusion. Aujourd’hui, la définition la plus répandue est celle des normes ISO 9000 (version 2000) qui décrit la traçabilité comme l’aptitude à retrouver l’historique, la mise en œuvre ou l’emplacement de ce qui est examiné. Dans la littérature anglo-saxonne, la traçabilité est souvent déclinée en deux fonctions complémentaires : le tracking et le tracing.
GS1, qui est un organisme international dont la mission est la conception et l’implémentation de standards et solutions de traçabilité et d’échange de données entre les acteurs de la chaîne logistique, définit le terme tracking comme l’aptitude à suivre l’itinéraire d’un article traçable entre les différents maillons de la chaîne logistique7 [GS1, 2005]. Au niveau des références francophones, le tracking est généralement traduit par traçabilité logistique. Le tracing , toujours d’après GS1, signifie l’aptitude à identifier l’origine, les attributs ou l’historique d’un article traçable particulier localisé au sein d’une chaîne logistique ; et ce en se référant à des enregistrements [GS1, 2005]. La traçabilité produit est l’équivalent généralement utilisé pour désigner le tracing par les auteurs francophones.

Plusieurs terme à ce stade sont utiles à préciser:

  • Lot : Selon l’article R112-5 du code de la consommation (France), un lot de fabrication représente « un ensemble d’unités de vente d’une denrée alimentaire qui a été produite, fabriquée ou conditionnée dans des circonstances identiques ».
    Numéro de lot (ou N° de Lot): c’est l’identifiant composé d’une ou plusieurs chaînes de caractère et destiné à identifier chaque lot de produits d’une manière unique. Nous en parlerons davantage dans le huitième chapitre.
  • Rappel : toute action visant à empêcher, après distribution, la consommation ou l’utilisation d’un produit par le consommateur et/ou à l’informer du danger qu’il court éventuellement s’il a déjà consommé le produit [DGCCRF et al., 2005].
  • Retrait : toute mesure visant à empêcher la distribution et l’exposition à la vente d’un produit ainsi que son offre au consommateur [DGCCRF et al., 2005].
    Ces deux derniers termes reviennent d’une façon récurrente lorsque l’on évoque la traçabilité dans la mesure où ils représentent les principales motivations justifiant la mise en place de systèmes de traçabilité. En effet, en cas d’une crise alimentaire résultant de la commercialisation de denrées impropres à la consommation, le rôle du système de traçabilité consisterait à déterminer l’origine du problème et les lots de produits concernés (tracing), puis d’identifier la localisation de ces derniers (tracking) dans le but d’en cesser la commercialisation (retrait) et/ou la consommation (rappel). A noter qu’un rappel nécessite souvent de passer par les média grand public afin d’alerter les consommateurs, ce qui est très nuisible à l’image du producteur concerné.

En plus de la distinction tracking/tracing évoquée ci-dessus, le concept de traçabilité se prête à d’autres déclinaisons.

Types de traçabilité selon la nature des objets tracés

  •  Traçabilité matière : elle a pour objectif, selon GS1, de reconstituer la généalogie d’un produit fini en identifiant ses différents composants [Gencod, 2001].
  • Traçabilité opératoire : toujours selon GS1, ce type de traçabilité consiste à identifier les opérateurs responsables des actions affectant le processus de production (déclenchement des productions, modification des recettes…) [Gencod, 2001].
  • Traçabilité produit : comme évoqué précédemment, c’est l’expression généralement utilisée par les auteurs et les praticiens francophones pour désigner le tracing .
  • Traçabilité des données : elle permet de relier entre eux les documents et les enregistrements concernant chaque étape de la vie du lot tracé grâce aux identifications [ACTA et ACTIA, 1998].
  • Traçabilité de l’activité : ce type de traçabilité permet de savoir par qui une activité a été menée, quand, où, avec quels moyens et dans quelles circonstances [Romeyer, 2000].

La littérature fait état d’autres types de traçabilité faisant référence aux objets suivis. C’est le cas, par exemple, de Bolnot et Fleurynck selon lesquels la traçabilité doit s’appliquer aux fameux facteurs de la qualité désignés par les 5 M. Ce qui correspond à la classification suivante : traçabilité des locaux, traçabilité des matériels, traçabilité des produits, traçabilité des processus et traçabilité des hommes [Bolnot et Fleurynck, 2002a].

Types de traçabilité selon le périmètre couvert
En fonction du périmètre couvert, nous avons rencontré différents type de traçabilité. Avant de les présenter, notons que le mot périmètre, tel que nous l’employons ici, couvre aussi bien la dimension spatiale que la dimension temporelle.

  • Traçabilité interne : elle porte sur les attributs et les opérations subies par les objets au sein d’un maillon donné de la chaîne logistique. Selon GS1, elle désigne la traçabilité mise en place tout au long de la transformation effectuée par l’acteur (le maillon en question) sur ses produits. Elle est indépendante des partenaires commerciaux [Gencod, 2001]. Elle est aussi qualifiée de traçabilité des unités de production ou de traçabilité usine selon Ta [Ta, 2002].
  • Traçabilité externe ou interentreprises : par opposition à la traçabilité interne, elle couvre plusieurs maillons d’une chaîne logistique ou d’une filière en mettant en connexion les systèmes de traçabilité interne des acteurs impliqués.
  • Traçabilité amont : selon GS1, elle désigne les procédures et outils mis en place pour pouvoir retrouver ce qui est advenu avant qu’un acteur de la chaîne logistique devienne responsable légalement ou physiquement des produits en question [Gencod, 2001].
  • Traçabilité aval : d’après GS1, elle désigne les procédures et outils mis en place pour pouvoir retrouver ce qui est advenu après le transfert de propriété ou après le transfert physique des produits d’un acteur de la chaîne logistique vers un autre [Gencod, 2001].

Types de traçabilité selon les informations suivies
Un système de traçabilité offre la possibilité de suivre un ensemble d’informations décrivant les objets tracés. Voici quelques déclinaisons du concept de traçabilité s’inscrivant dans cette perspective :

  • Traçabilité processus : s’intéresse à la collecte, mémorisation et restitution des informations décrivant les processus (production, traitement, transport…) qu’a subit le produit en question [Viruega et Vernet, 1999].
  • Traçabilité procédé : selon GS1, ce type de traçabilité consiste à tracer les événements liés à l’exécution des processus de fabrication des produits tels que les variations de température et de pressions [Gencod, 2001].
  • Traçabilité de l’origine : d’après Virguega, « un système de traçabilité de l’origine est un système capable de déterm
    iner l’origine d’un produit et seulement l’origine » [Viruega, 2005].
  • Traçabilité qualitative : Pour [Bolnot et Fleurynck, 2002b], la traçabilité qualitative permet de garder la mémoire des événements marquant à chaque étape de la vie du produit tracé. C’est-à-dire de tous les éléments distinctifs, tels les signes ou marques de qualité et les contrôles qu’il a subis. [Bolnot et Fleurynck, 2002b] qualifient ces données de « diplômes » et « carnet de santé » du produit en question.

Types de traçabilité selon le sens de recherche d’informations
Auparavant, nous avons vu la distinction entre traçabilité amont et traçabilité aval en faisant référence aux maillons d’une chaîne logistique. Suivant un raisonnement analogue, nous pouvons différencier d’autres types de traçabilité, mais sur une échelle temporelle cette fois-ci.

  • Traçabilité ascendante ou montante: à partir d’un stade donné du cycle de vie d’un produit, elle consiste à remonter l’historique de ce dernier afin de retrouver, par exemple, l’origine et les caractéristiques de ces composants.
  • Traçabilité descendante : par opposition à la traçabilité ascendante, elle traduit la capacité à descendre l’historique d’un produit, à partir d’un stade donné de son cycle de vie, afin de connaître sa localisation et son devenir.

Aussi bien dans les publications techniques que dans les références scientifiques, il y a souvent une certaine confusion dans l’utilisation des expressions traçabilité amont/aval et traçabilité ascendante/ descendante. A notre sens, cela s’explique notamment par le fait de raisonner uniquement en termes d’intrants (matières premières) et de sortants (produits finis) d’un maillon donné de la chaîne logistique. En effet, dans ces conditions, la traçabilité amont et la traçabilité ascendante décrivent la même chose, à savoir remonter l’historique des intrants au niveau des maillons se situant à l’amont. Ce constat s’applique également pour la traçabilité descendante et la traçabilité aval qui consistent alors à déterminer la localisation et le devenir des sortants au niveau des maillons se situant en aval. En revanche, quand on a affaire à un produit semi-fini, la distinction devient évidente. Ainsi, la traçabilité ascendante consiste à remonter l’historique de ce produit soit au sein du maillon considéré ou en son amont; et la traçabilité amont consiste à remonter l’historique de ce produit (ou de ses composants) au niveau des maillons amont.

Cet article de thèse est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord il illustre la complexité de la tâche de la traçabilité. De nombreuses dénominations existent mais aucunes d’entre elle ne répond à la question dans son ensemble, de sorte que, si je sais quel est le produit que je recherche, j’ai du mal à savoir où il se trouve et l’inverse également je sais bien que je transporte tel produit mais concernant sa qualité, je n’en sais absolument rien. Prenons un cas : la date limite de consommation.

Si le transporteur a bien la DLC, la plupart du temps celle-ci a peu d’impact sur son transport. Or dans les fait c’est très important, la DLC indique le nombre de jours restant pour la consommation du produit. La date limite de consommation se rapprochant le fournisseur est obligé de tenir compte du temps mis par le transporteur. Dans la plupart des cas le transporteur s’y engage. Toutefois il ne vérifie pas dans tous les cas le temps restant à vivre du produit. On parle dans ce cas de temps de vie garantie du produit à réception.

La taxonomie même de la traçabilité fait que le sujet est divisé, selon que l’on s’oriente vers une question ou une autre. Pourquoi ? Parce que les données ne sont pas du même type.

Un article de John G Keogh sur la traçabilité me conforte dans ma conviction d’aboutir à la conclusion que la traçabilité repose en fait sur 3 types d’information :

  • des informations de base sur le produit en lui même,
  • des informations événementielles, les étapes de la transformation du produit (pasteurisation par exemple) ,
  • des informations de transactions, qui achète quoi à qui ? par exemple dans le suivi d’un veau.

Si l’on essaie de déterminer  quelle types de données sont utilisées pour chaque traçabilité on obtient le schéma suivant:

Traçabilité

On voit bien qu’aucune traçabilité ne convient vraiment. Il n’y a pas de système capable de prendre en compte les informations de base, les informations événementielles et les informations transactionnelles.

Actuellement certains industriels ont mis en place des systèmes efficients de traçabilité, souvent malheureusement suite à un évènement sanitaire. Les technologie opérées sont plusieurs sortes ; le travail sur la data est dans tous les cas un prérequis. Parmi les différents outils ont trouvera des outils de gestion des base de données classiques, mais  aussi des technologies de type « registre distribué ».

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