Histoire de la Blockchain (Episode 1)

Histoire de la Blockchain (épisode 1): L’origine de la Blockchain et la crise des subprimes .

Les outils nécessaires à la Blockchain n’ont rien de nouveau, la naissance des réseaux peer-to-peer date des années 90, la signature numérique suivant le protocole SHA-256 par exemple date de 2002. Pourquoi ces outils n’ont ils pas été utilisés plus tôt?  Pourquoi la Blockchain apparaît elle maintenant ?  Qu’est ce que l’apparition de la blockchain dit de notre société ?

(Je vais tenter une réponse à ces questions à travers une suite de différents articles, qui vont aborder successivement la crise des subprimes, la crise de la confiance dans nos sociétés, le point de vue de la blockchain en tant que système d’information, enfin un point de vue socio économique.)

L’apparition de cette technologie est sûrement le corollaire d’événements et de prises de conscience qui se sont enchaînés. Toutefois cet élément de causalité, bien que retentissant, ne peut à lui seul justifier l’apparition de cette technologie et d’un seul trait balayer les autres explications.  A titre de curiosité explorons tout de même les caractéristiques de cette crise. 

On entend souvent dire que l’origine du Bitcoin est lié à la crise dite : « crise des subprime ». Cette crise apparue en 2008, est un énième crack boursier faisant suite à l’éclatement de la bulle spéculative immobilière des Etats Unis.

 

Voici l’histoire (très raccourcie) de la crise des subprimes:

Que sont  les prêts subprimes ?

Les prêts subprime « sont destinés à permettre l’accession à la propriété à une clientèle qui se trouvait dans l’impossibilité de souscrire à des crédits classiques en raison de sa faible solvabilité et d’un historique de crédit inexistant ou défavorable[1] » .

Suite à une série de décisions politiques, les accès à ces prêts se sont vus largement favorisés, les gouvernements successifs américains ayant pris des directives dans ce sens.

1977 : vote du congrès Américain du Community Reinvestment Act. Cette acte s’inscrit dans la lignée des actes visant au fair lending (l’accès équitable au crédit).

1995 et 2002 : renforcement de ces lois. Les banques sont désormais tenues de répondre aux besoins de crédit de l’intégralité de leurs communautés.[2] 

Le mécanisme de la titrisation et son expansion.

Suite au développement d’émetteurs privés, Residential Mortgage-Backed Securities (RMBS), les initiateurs ont la possibilité de céder tout crédit, même risqué. L’expansion de la titrisation a ainsi fortement contribué au développement du marché des subprime : en 2006, 523 milliards de dollars de RMBS furent émis ce représente 44% des émissions non GSE (Governement-Sponsored Enterprises) de RMBS. 

« L’attrait des investisseurs pour les RMBS subprime a largement contribué à alimenter la titrisation de ces crédits immobiliers et, par la même, l’expansion de ces crédits. »[3]

A la fin des années 1990, les crédits subprime furent en pleine expansion.

En 1999, le volume des émissions de crédits subprime atteignait 160 milliards de dollars, soit 12,5% des émissions brutes de crédit hypothécaires résidentiels accordés cette année-là. De 1994 à 1999, le volume des émissions annuelles s’était accru de 350% du volume.

Cette expansion s’est poursuivie au début des années 2000. De 2001 à 2006 le volume crédits subprime accordés à plus que triplé, passant de 190 milliards en 2001, pour atteindre 600 milliards de dollars. En 2007, le nombre de crédits subprime s’élevait à 14% du marché du crédit américain.

Qui sont ces emprunteurs ?

 Les subprime borrowers sont une catégorie d’emprunteurs présentant un profil particulièrement risqué.

Sont éligibles à ce type de prêt, les emprunteurs présentant au moins l’une des cinq caractéristiques suivantes :

  • Au moins deux retards de paiement de plus de 30 jours lors des 12 derniers mois ou au moins un retard de paiement de 60 jours au cours des 24 derniers mois.
  • Défaut de paiement constaté au terme d’une procédure judiciaire/saisie de la garantie d’un emprunt antérieurement contracté au cours des 24 derniers mois.
  • Situation d’insolvabilité depuis 5 ans.
  • Un FICO score inférieur ou égal à 660.

A côté de ces critères de définition proposés, d’autres caractéristiques à peu près semblables relatives à la qualité de souscription à l’emprunt :

  • Informations et documentation relatives à leur situation patrimoniale et à leurs revenus sont généralement de faible qualité car incomplètes ou difficilement vérifiables.
  • Pour 35 à 45 % des emprunteurs subprime, l’objet du crédit est l’achat d’une maison. Dans 45 à 55 % des cas, le crédit subprime est destiné à assurer le refinancement d’un autre crédit antérieurement contracté (cash out refinancing loan).

Une technique financière particulière de répartition des risques.

Il est fréquent aux Etats Unis que les établissements bancaires ne conservent pas sur leur bilan les crédits hypothécaires (c’est le cas des subprime).

« La titrisation est un mécanisme qui permet de sortir de son bilan des actifs financiers pour les céder à un véhicule ad hoc (special purpose vehicle) ou un trust qui en finance l’acquisition par l’émission de titres souscrits par les investisseurs. L’entité ayant fait les frais d’acquisition en perçoit les flux d’intérêt et de remboursement du capital qu’elle reverse en partie aux investisseurs via le paiement de coupions et du nominal de leur titre. » [1]

C’est un donc un premier masque en quelques sorte à la lecture des bilans.

Cette gestion nous dit on serait explicable par les avantages que cela représenterait (hypothétiques ou avérés) et aurait favorisé la généralisation de la titrisation.

En fait cela a permis d’optimiser la liquidité des bilans des établissements de crédit puisqu’elle permet la transformation de créances en titre négociables. Il s’en suit un système en cascade : « les titres financiers ainsi créés (asset backed securities) sont gagés sur des les crédits sous-jacents eux-mêmes gagés sur des actifs immobiliers en présence de crédits hypothécaires subprime. » [1]

A l’origine l’intention n’est pas forcément de masquer quoi que ce soit mais plus de partager le risque financier entre plusieurs investisseurs. « Il permettent au cédant d’un pool de crédits subprime de transférer le risque de crédit sous-jacent sur un tiers, en l’occurrence l’investisseur titres adossés à des crédits subprime. »

(En réalité ce partage de risque n’est pas avéré car il y a d’autres intermédiaires et mécanismes qui interviennent.)

Finalement, suite à une série de processus financiers complexes, que l’on pourrait qualifier d’ingénierie bancaire par couverture du risque, ces titres se sont retrouvés notés AAA.

De 2001 à 2006 la qualité des crédits subprime a chuté, les défauts se sont généralisés entraînant un véritable effet boule de neige.

On peut repérer plusieurs sortes de défauts informationnels. Il y a un manque d’information évident généré par l’opacité d’une technicité élevée, et surtout un déséquilibre, ce que nous appelons : asymétrie d’information.

« La titrisation multiplie le nombre d’intermédiaires intervenant dans une opération de crédit. Une multiplication des intermédiaires implique potentiellement une multiplication des asymétries d’information et donc des inefficiences de marché. »

Perte de confiance.

Gaël Giraud dans son livre « illusion financière »  revient sur le krach de 2008 et l’analyse de la même façon, selon lui  cette crise est révélatrice d’une faiblesse plus généralisé des milieux financiers notamment au travers des fameux CDS (Credit default Swap)  qui ne sont soutenues par que un vide béant ou pour être plus précis par une création monétaire suivant un système complexe. Je vous renvoie également à cet article du monde écrit en 2008, au titre évocateur de « Crise de confiance inédite »: https://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/09/2008-une-crise-de-confiance-inedite_1104737_1101386.html.

Mais personne de parle de la population, des épargnants, des emprunteurs moyens Européens, victimes d’une crise démarrée de l’autre côté de l’Atlantique qui va diviser l’Europe pour un bon moment…. On remarque qu’il s’est opéré un changement d’état d’esprit des populations vis-à-vis des banques, et de la confiance que l’ont peut témoigner à l’égard de ces établissements.  Et par extension à un milieu politico-financier dans son ensemble, les politiques étant bien incapables de protéger leurs administrés, si ce n’est que par des actions restrictives,  ultimes solutions nécessaires à un retour à la normale des choses. La punition étant assez sévère si l’on en juge les traitements que subissent la Grèce et l’Espagne.  Cette méfiance, conséquente au krach de 2008, a eu deux messages retentissants au sein des populations:

  • Perte de confiance dans les banques
  • Impuissance politique face au système bancaire

Dans ce cas effectivement on peut expliquer un recours aux crypto-monnaies , même si à l’heure actuelle elles ne pèsent « que » 150 milliards de dollars environ.  Ce poids encore faible des crypto-monnaies peut s’expliquer de plusieurs façons : 

  1. Le frein des banques à ce que ses clients investissent en crypto-monnaies (les banques ont besoin de liquidité) ;
  2. La difficulté à transformer vos Bitcoins ou autres, en dollars ou euros etc (forte taxation, plateformes d’échange peu sûrs) ;
  3. Une peur naturelle de certains investisseurs, qui s’explique par certains râtés et une volatilité importante;
  4. Un manque d’encadrement juridique (même si la France a été pionnière en la matière).

En guise de conclusion

Une vraie question demeure pour moi : est ce que Satoshi Nakamoto peu importe la ou les personnes qui se cachent derrière ce pseudo avaient imaginé le Bitcoin comme solution à la crise ?

La réponse peut être assez nuancée: 

Tout d’abord des travaux sur la crypto-monnaie ont commencé bien avant le Bitcoin.

Ensuite la Blockchain fait appel à des outils qui existaient déjà dans le milieu informatique.

De plus cette alternative n’a commencé à apparaître qu’à partir de 2017, date des premiers gros investissement sur le Bitcoin et les autres monnaies notamment Ethereum.  

En résumé  si le Bitcoin est apparu en 2009 de manière opportune, en même temps que la plus grave crise financière jamais connue, rien ne permet d’affirmer qu’il a été fait dans l’optique de « réguler » un marché financier désormais défaillant. Toutefois dans un monde en pleine crise de confiance, la Blockchain fait preuve d’un intérêt certain par la preuve qu’elle apporte aux transactions.

Que sont devenus aujourd’hui les prêts subprimes ? je vous conseille cet article intéressant: https://www.lopinion.fr/edition/wsj/discret-retour-subprimes-146899

 

[1] La crise des subprime, Laure Klein, p27, revue banque les éditions d’organisation.

[2] “The CRA requires that each depository institution’s record in helping meet the credit of needs of its entire community be evaluated periodically”. http://www.federalreserve.gov/dcca/cra/.

[3] La crise des subprime, Laure Klein, p29, revue banque les éditions d’organisation

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