Physical Address
304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124
LA STRATEGIE DES ECOSYSTEMES
Formidable article ce mois-ci dans Harvard Business Review, sur les Ecosystèmes et nouvelles formes de valeur dans l’économie.
L’écosystème est un thème qui a toujours piqué ma curiosité, ça me replonge bien des années en arrière alors que j’étais d’avantage attiré par la Biologie, justement sur les écosystèmes et ces fameux biotopes. La façon de lier le paradigme biologique à l’économie n’est pas évident, la définition du modèle a pris plusieurs années au socio-économiste Peter Drucker à travers ce qu’il a appelé l’écologie sociale.
L’écosystème pour la Biologie est un milieu de vie dont les habitants sont interdépendants. Ils sont à la fois en compétition et en collaboration. Plus précisément, ils appartiennent à une même chaîne alimentaire et sont dépendants du même milieu de vie.
Cette dépendance au milieu de vie est en fait une adaptation, fruit d’une longue sélection, qui a laissé sur place les meilleurs de la situation.
L’écologie nous en donne une définition plus restrictive : un écosystème est « un ensemble formé par une communauté d’êtres vivants en interrelation (biocénose) avec son environnement (biotope) ».
Ce terme interrelation est un terme générique qui recouvre de nombreux aspects de la vie animale (nutrition, reproduction, prédation,…). Ceci étant dit, ce qui se cache sous ce terme c’est bel et bien les conventions qui régissent ce milieu de vie. Il existe des règles de gestion simples dans un biotope : le plus faible a moins d’avenir que le plus fort, le groupe est plus fort que l’individu, telle plante n’est pas comestible, etc.
La définition Biologique : « Ensemble écologique constitué par un milieu (sol, eau, etc.) et des êtres vivants, entre lesquels existent des relations énergétiques, trophiques etc. Un lac, une forêt, un aquarium en équilibre biologique constituent autant d’écosystèmes. »
Cette définition est à la fois précise et généralisable à n’importe quel ensemble et sous ensemble. La difficulté réside dans la limitation de l’espace d’observation. La Terre est un écosystème, un caillou est un écosystème, n’importe qu’elle partie d’un ensemble, n’importe quel sous-ensemble de ce même ensemble est un écosystème. Je pense toutefois que l’usage du terme, en Biologie, se rapporte le plus souvent aux échanges, aux modalités de partage d’une même ressource conférant à l’ensemble du système un certain équilibre et par là même son développement ou tout du moins sa survie.
La reprise de ce concept par l’économie ou plus généralement la reprise d’un concept appartenant à la Biologie pour l’étendre à d’autres secteurs est assez fréquente.
J’aurais souhaité que l’économie intègre directement dans la définition le comportement des individus appartenant à un même style organisationnel. Au lieu de ça la définition butte une nouvelle fois sur l’étude de l’espace d’application, et poursuit sa complexité. Pour résumer, la question est du type : Ou s’arrêtent les limites de l’écosystème ? et devrait être du type : quel est la caractéristique des échanges qui permet un équilibre à cet ensemble, afin que je puisse le définir comme Ecosystème ?
On retrouve malgré tout cette problématique dans la définition des critères de l’écosystème admis par la communauté économique :
Au-delà de ces critères le fonctionnement en lui-même de l’écosystème est intéressant par l’équilibre produit, au travers d’une stratégie commune plus ou moins consciente que je regrouperais sous le terme de « paradigme socio-économique ».
Appartenir à un écosystème c’est en accepter les règles implicites, choisir tel fournisseur, agir selon les parties prenantes, préférer la survie du groupe, souplesse de la structure, développement des individus, développement de l’innovation comme moyen de business-value … ce sont quelques-uns des paradigmes auxquels les entreprises appartenant au même écosystème obéissent.
Ce reflet de paradigme inconscient s’exprime au moyen de modes de gouvernance bien réels cette fois-ci, dont le but est (ou devrait être) de laisser à l’être Humain une possibilité de développement personnel, sous peine de voir diminuer sa motivation, de provoquer une défiance vis à vis du système, du stress, du découragement ou tout simplement de ne pas exploiter son potentiel.
L’article dans HBR nous dit ceci : « La théorie du management et sa pratique se sont longtemps appuyées sur la vision mécaniste d’une économie composée d’individus rationnels cherchant à maximiser leur utilité, employés par des entreprises cherchant à maximiser leurs profits – en somme des humains-robots et des machines organisationnelles (…) les êtres Humains avec leurs émotions, leurs aspirations, leurs rêves et leurs idiosyncrasies n’apprécient pas d’être traités comme de simples rouages d’une machine. »(“Le pouvoir des écosystèmes,” n.d.)
Le rôle de la gouvernance dans l’écosystème est donc de maintenir un cap, en respectant les aspirations de chacun, sans qu’aucune partie ne soit lésée sauf si évidemment elle ne respecte pas les règles (implicites) de l’écosystème.
C’est un défi majeur pour la survie de ces écosystèmes, et trouver une gouvernance capable de coordonner les activités de chacune des parties prenantes dans un esprit de collaboration est la difficulté de tout manager. Il s’agit pour l’organisation d’accompagner les structures d’innovations sans perdre la structure globale qui a besoin de rigueur, là où l’innovation a besoin de créativité par exemple.
Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer la fin de l’article : « Comprendre et mettre en place les moyens de gouvernance de ces nouveaux types d’entités est un formidable défi pour les dirigeants. Cela demande un effort de la part d’une pluralité de parties prenantes. Les institutions éducatives, en particulier les départements d’études économiques et les écoles de commerce, devront-elles aussi être mises à contribution ; l’étude de ces nouveaux domaines devrait connaître un essor considérable. Pour finir ce ne sont ni les législateurs, ni les bureaucrates qui sauveront le monde, mais les innovateurs et les aventuriers du monde des affaires, des universités et du secteur public qui, en phase avec les attentes de la société, feront émerger un écosystème social dynamique au sein duquel tous pourront s’épanouir au lieu d’être dominés par une poignée d’individus concentrant la majorité des richesses. Face à ce défi historique nous ne pouvons-nous permettre d’échouer. »(“Le pouvoir des écosystèmes,” n.d.)
Je vous encourage à lire cet article, c’est vraiment très instructif !
J’y vois également (sans surprise) une réflexion sur la blockchain. Le mode de gouvernance définirait-il un écosystème ? Je vais tenter une réponse suite au très productif meet-up de l’Asseth chez Talan intitulé « Staking as a service », qui m’a donné l’idée de comparer trois algorithmes de consensus: Proof of Work, Proof of Stake, et Delegated Proof of Stake, selon les gouvernances qu’ils proposent. A bientôt donc pour ce prochain article.
Le pouvoir des écosystèmes, n.d. . HBR. URL https://www.hbrfrance.fr/magazine/2019/05/25667-le-pouvoir-des-ecosystemes/ (accessed 5.31.19).